mardi 15 novembre 2011

De Libreville à Owendo

La chambre d'hôtel avait été payée d'avance. Elle était désespérante. Ses papiers peints sombres et cloqués étaient depuis longtemps passés de mode. L'ampoule à filament diffusait faiblement son éclat sur l'unique lit qui, avec une penderie mobile en acier dessoudé, meublait tant bien que mal l'étroite pièce. Nos bagages avaient été déposés dans un coin.
Alors que je choisis le côté gauche pour la nuit, Adrien découvrit la salle de bain. Avec elle se poursuivait cette sensation de temps qui passe, de pourrissement de la matière. Le lavabo ne tenait plus que par une évacuation malmenée. La robinetterie montrait ses entrailles qui débordaient des murs.
Je soulevai avec crainte les draps de peur d'y trouver un monstre de mes cauchemars d'enfance, ou plus probablement des puces. Puis je roulai au creux de la cuvette de notre matelas hors d'âge. La nuit était calme, éclairée par les lueurs de la rue. Une nuit sur Libreville, c'était peu, mais déjà tellement différent !

Nos affaires empaquetées dans les sacs de voyage, j'eus un réflexe de survie au sortir de l'hôtel. Allongeant le pas jusqu'à la réception, j'insistai pour payer d'avance une nuit à notre retour d'excursion. Penché au dessus du comptoir, je guettai les yeux rivés sur le cahier de réservation la prose de la tenancière associant nos noms à la chambre Dauphin. Soulagés d'éviter la cruauté d'une nuit d'errance dans Libreville, nous partîmes en taxi pour la gare d'Owendo, au Sud de la capitale. Le vieux modèle se faufila à travers les ruelles encombrées de passants jusqu'à l'avenue du M'Bolo qu'il remonta rapidement vers la voie rapide périphérique.

Changement de décors. Après de solides immeubles de deux à trois étages aux façades claires et soignées apparaissaient de chiches habitations en parpaings. Jouxtant l'autoroute, poussiéreuses, désorganisées et insalubres, ces constructions de fortune ne dépassaient que rarement la taille d'une chambre d'étudiant. A mesure que nous parcourûmes la quinzaine de kilomètres qui nous séparèrent encore de la gare, des planches gagnaient du terrain sur les murs de pierre qui rapetissaient. La tôle laissait place au bois. Mais toujours l'on observait des cadavres de voitures, de congélateur et de débris sur ces espaces où séchaient invariablement vêtements et nourritures. Tels des champignons, les constructions s'improvisaient sur des flancs pentues à la stabilité incertaine. Et toujours elles bravaient la proximité de ce boulevard, rognant parfois sur la bande d'arrêt d'urgence sur laquelle les voitures parquées s'entassaient.

Le taxi poursuivit sa course, dépassant des quartiers de vie qui émergèrent le long d'une bretelle où les étales se serraient pour proposer la bière et les grillades au bruit de la circulation. Il quitta enfin le périphérique pour stationner à proximité du parking de la gare d'Owendo.