lundi 20 juillet 2009

Pourquoi pas le Gabon

Ça devait arriver ! Je suis en partance pour le Gabon.

Ça c'est passé tout bêtement, à la suite d'une multitude d'entretiens. Je miroitais un emploi bien français, rêvassant d'images paisibles et campagnardes. Ma langue a du fourcher sur une question clé. Peut-être celle qui me demande "envisagez-vous une carrière internationale ?" ou bien encore "un poste à La Défense vous conviendrait-il ?" J'ai alors eu plaisir à déblatérer toute mon envie d'échapper à la constante parisienne. Et, malgré le regard impassible de mes interrogateurs, mon instinct m'a poussé à étayer ma thèse.

J'ai l'instinct facile en ce moment ! C'est marrant tout ce qu'on peut lui faire faire ! Je prends deux pommes que je pose côte-à-côte. Si je descends du singe, je suis capable de choisir la meilleure nourriture sans compas ni calculette. Simplement par mes sens. Alors voyons... J'ai deux golden, toutes les deux bien mûres bien rondes. Identiques... Elles ne sentent pas grand chose ! Pourtant je dois bien pouvoir les distinguer ! Laquelle me fait le plus envie ? Ah ben celle de gauche ! Pourquoi ? Je ne sais pas, mais sûr que j'ai envie de la croquer et d'écraser sa pulpe entre mes dents pour sentir son arôme juteux et sucré ! Un autre exemple, je prends deux filles que je pose côte-à-côte...

Deux jours plus tard, je rappelais l'entreprise pour apprendre leur décision. Envisageant les réponses possibles, je m'attendais au booléen "Vous avez été retenu" ou "Vous avez retenu toute notre attention..." Mais j'ai toujours été très mauvais aux devinettes : le téléphone m'a répondu "Bravo, on vous propose un VIE !"

"Le poste débute en septembre. Il nous faut un mois et demi pour monter le dossier. On attend votre accord sous deux jours !" Soudain, je me surprends à jouer le rôle de Bruce Willis dans Une journée en Enfer ! Pff tu parles d'un choix "Monsieur, vous avez le droit à l'Afrique ou bien... rien !" Et que penser du statut VIE... un stage amélioré ? La rémunération est plus élevée, mais je ne fais toujours pas parti de l'entreprise. Bon, passons aux avantages... Ah bah indéniables, le Gabon !! C'est pas la cambrousse provençale, ça Monsieur ! Enfin, c'est peut-être pire ! Et qu'est-ce qu'il me dit mon instinct ? Je ne vais quand même pas renifler l'atlas pour me décider !

Après le Kazakhstan, l'aventurier débarque dans la fo'êt t'opical ! Ça sonne bien ! Et puis j'au'ais la me' à Port Gentil !

Adieu Vie étudiante !

CA Y EST ! Terminés les cours magistraux, finies les conférences. Au revoir les intervenants extérieurs. Mais surtout, adieu campus. Boueux l'hiver, "Attention Travaux" l'été, je n'aurais pas tellement profité des luxures de ta végétation jovasienne !

Qu'importe ! Vient maintenant le temps de la vie active. Celui autonome où l'on choisit une nouvelle Grande Ecole que les professionnels cravatés appellent l'entreprise et que la majorité ne quitte que pour la retraite. Mais que raconté-je ! Il y a bien davantage de choix. Passé l'entrée très scolaire, notre menu nous offre de nombreux plats. Comment vous voyez-vous dans 10 ans ? Avec un gros bout de consulting dans la bouche et une reconversion difficile à portée de fourchette !

Et si je prenais subtilement un échantillon de tous ces tapas, les goutais, les recrachais ou bien terminais l'assiette ! Puis-je vous servir une PME, Monsieur ? Ah non, je n'ai pas encore terminé d'astiquer mon CV. Et puis je suis jeune. A ce titre j'ai le droit absolu de revendiquer mon désir de parcourir le monde ! Très bien Monsieur, nous vous proposons alors les multinationales. Certaines sont assaisonnées à la fonction publique, mais toutes font preuve d'une grande mobilité géographique. Seulement... pour les déguster convenablement, ils vous faut des prérequis. Pourquoi ne pas commencer par un stage ?

Très simple... les stages j'ai donné. Leurs statuts je les connais par coeur. Payé un smic, le stagiaire est docile, intimidable et serviable à merci... sauf quand il comprend enfin qu'il n'est responsable de rien ! Alors il renait dans les activités nocturnes qu'il pratique en pleine semaine, se surprend à régler son réveil pour le quart d'heure suivant, et étonne les gentils collègues avec des "Ce matin, mon boss s'est pointé derrière moi. Mais je ne m'en suis rendu compte qu'à la fin de mon démineur !" Alors me proposerait-on un nouveau stage que je le jetterais dans le pot de fleur factice !

Serveur, apportez-moi un job s'il vous plait ! Désolé Monsieur, nous n'en n'avons plus cette année. Mon stagiaire n'a pas pu s'en procurer au marché de l'emploi.

Et bien, je vais le trouver tout seul ! Chéri, apporte-moi le modem. Sors les diplômes et les logos. Les poissons sont toujours impressionnés par ces sottises. Ah, et n'oublie pas l'annuaire de l'école, il est temps de changer de forfait SFR. Mais souris voyons, tu crois que les papillons s'attrapent en tirant la tronche d'un constipé. Oh, que je suis content de visiter votre entreprise ! Quelles beaux bureaux ! Très bon café merci ! Chttt, ne dites plus rien... je jurerais qu'un emploi nous espionne, là derrière cette photocopieuse. Attention, c'est vicieux ces bêtes là. On pense que c'est là, on regarde et pfuit disparu la bestiole. Fusion, réorganisation, faible productivité et c'est comme s'il n'y en avait jamais eu !