dimanche 11 décembre 2011

Une main tendue

Gare d'Owendo par Vincent Vaquin (Wikipédia)
Nous sortîmes nos sacs du taxi pour nous avancer parmi la foule désorganisée qui occupait le hall de la petite gare d'Owendo. En avance sur l'horaire incertain du train, nous fumes pressés par plusieurs pour rapidement enregistrer nos bagages. Nous refusâmes d'acheter les braves intentions pour nous faufiler entre les familles. Le flux nous entraina, impuissants, face à un guichet protégé par du grillage au jaune tâché. Une grille aux tarifs périmés affichée au mur provoquait des exclamations autour de nous.

Vingt longues minutes tassés et bousculés par la cohue, je ne fus pas certain de mon tour en présentant mon sac au travers de la nuée de bagages portés par leur propriétaire qui espérait enfin se débarrasser de leurs cartons, leurs sacs de toile, leurs affaires de cuisine... enfin tout ça, dans le wagon-soute. A y regarder, nous étions seuls à voyager sacs de randonneur dans le dos. La réponse de l'employé fut d'ailleurs très clair : "Il ne faut pas les donner", nous les prendrions en cabine avec nous !

Après ce bain de familles gabonaises, nous nous éloignâmes pour petit-déjeuner dans une des boutiques jouxtant les guichets. Le souvenir des sandwichs viande hachée m'était encore pénible. Pas de risque pour notre périple, nous primes des gaufres cuites. Sur la fin de mon café, les haut-parleurs grésillèrent l'annonce d'un retard. Nous découvrîmes notre cabine vers dix heures moins dix. Les sacs reposaient sur les deux sièges inoccupés face à nous. Et roule pour La Lopé...

Le train s'ébranla et nous sentîmes rapidement le souffle glacial de la climatisation. La rame traversa les stations des abords de Libreville, puis les arrêts se firent bien plus rares à mesure que la végétation reprit place sur les constructions précaires.
C'était donc vrai, la première classe de ce pays équatorial est givrante. Une sensation oubliée me gelait les pieds, m'engourdissait les jambes. Rien n'y fit, ni de frotter les mains, ni de battre la mesure. Alors je franchis le couloir pour respirer l'air chaud et humide de la plateforme et observer le teint jaune-ocre des paysages. Adrien décida d'en capturer quelques-uns à soixante kilomètres heure.
Le chemin du retour m'appris que nous étions dans un train Alstom utilisé sur les lignes TER de la SNCF. La carte des chemins de fer français palissait de soleil sur la cloison des toilettes. Clin d’œil des forts liens franco-gabonais.

par Jean-Louis Albert
Te souviens-tu, Adrien, de cet aimable personnage qui nous rejoignit dans notre compartiment ? Il m'apparut tout d'abord ambigu avec une pointe de surréalisme amusant. Il se présenta comme Premier Conseiller du cabinet du Ministre de la Culture. Il s'apprêtait à inaugurer une école dans la région de l'Ogooué-Ivindo et s'empressa de nous tendre sa carte de visite dorée estampillée du blason du gouvernement. Tu dois te souvenir de son nom, Adrien. Comme nous, il entreprenait ce voyage vers La Lopé où les principaux représentants de la province l'attendaient.

Un kilomètre avant La Lopé
A discuter fièrement du niveau de l'Education du Gabon entre deux coups de fils, il paraissait détendu et confiant en toute situation, mais aussi inquiet de l'image de son pays. Pouvoir se fier à quelqu'un sans craindre demande de rémunération ne nous était arrivé que trop rarement durant notre expérience africaine. Prudemment, nous dévoilâmes notre projet de découvrir les grandes facettes des parcs naturels gabonais. J'avais réservé trois nuits au Lodge de La Lopé. Cependant, nous espérions trouver des alternatives bien moins onéreuses sur place. Les cent soixante mille francs CFA pesaient sur le budget de notre voyage et pouvait nous priver d'excursions bouleversantes. Je lui évoquai les possibilités que nous avions. A savoir un hôtel plus basique ou un hébergement rudimentaire chez les Guides et Eco-gardes du Parc National.
Le long du fleuve Ogooué
Il décida de contacter son collègue local pour nous obtenir une chambre à trente mille la nuit. Au détour d'une courbe de l'Ogooué, l'appel n'aboutit pas. Certainement un trou dans le réseau téléphonique.
Adrien orienta la conversation dans un but avoué de confondre le personnage : "Mais en fait, c'est quoi votre métier ? Je veux dire, qu'est-ce que vous faites comme travail au quotidien ?" Des piques dangereuses face au paraitre gabonais, mais effroyablement efficaces !


En début d'après-midi, le train quitta un instant les rives du fleuve, traversa la Route Economique, et stoppa en gare de La Lopé.

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