dimanche 1 janvier 2012

Ça sent le gorille !

A ce stade, l'histoire m'en rappelle une autre qui se déroula au sein du Parc National du Loango.

Mère et Tante souhaitaient profiter de ma présence au Gabon pour elles-mêmes ressentir la faune et la flore de l'Afrique Équatoriale. Bien sûr, le prétexte était de s'assurer de ma santé, de prendre poids et mesure et de m'assister pendant leur séjour.
Ne souhaitant pas les aventurer sur des terrains intrépides, j'ai choisi entre autre de découvrir buffles et éléphants à travers le très sérieux organisme Opération Loango. Durant l'escapade, notre guide accompagné d'un assistant, nous proposa une randonnée pédestre au coeur de la forêt pour tenter d'y apercevoir des animaux à l'état sauvages. Et nous voici huit occidentaux s'émerveillant devant la nature face à l'entrée d'un bois à côté duquel était garé en pleine brousse notre 4x4 de locomotion.

Parc du Loango, piste dans la brousse
Notre éco-guide descendit de l'engin pieds nus et nous présenta quelques recommandations. Instinctivement, nous nous regroupâmes autour de lui pour boire ses paroles de sage :
"Nous allons entrer dans la forêt. Il faut que nous soyons groupés, et vous me suivez. Si je marche, vous devez marcher. Si je m'arrête, vous devez vous arrêtez !"
Jusque là, nous comprenions le concept. Et, l'accent aidant, cette pédagogie enfantine surprenait nos regards amusés par la perspective d'une chasse au trésor... où plutôt à l'éléphant.
"C'est très important de faire comme je fais ! poursuivit le guide sans remarquer nos yeux rieurs. Les animaux, ça peut être très méchant. Ça tue les gens ! Quand on ne fait pas attention, on meurt !"
Les sourires venaient soudain de laisser place à une légère appréhension.
"Un jour, je promenais des gens dans la forêt. Je me suis retrouvé devant un éléphant. J'ai vu qu'il voulait charger. Alors, j'ai fait signe aux autres de reculer lentement. Mais yen a un qui ne m'a pas écouté ! Il est resté devant l'éléphant ! Je lui ai dit de se cacher derrière l'arbre. Et moi, je suis resté pour attirer l'éléphant. Doucement, j'ai reculé. Tout doucement, pour ne pas l'effrayer. J'ai regroupé les autres, et on s'est éloigné de lui.
- Et il y a eu des blessés ? s'inquiéta un touriste.
Parc du Loango, cours d'eau proche de la Lagune
- Non, il est parti ! Mais c'est méchant... et ça n'a pas peur de vous ! mystifia le guide. Alors il faut faire comme je fais."
Se dirigeant vers les premiers arbres : "Maintenant vous marchez derrière moi ! Et lui, désignant son assistant, il marche derrière vous."

Instantanément, nous composâmes la marche à la queue leu leu, singeant absolument chacun de ses gestes pour éviter à tout prix la charge d'un méchant éléphant. Nous avançâmes prudemment dans une forêt jeune, clairsemée et aérée. Nous nous étions enfoncés de vingt mètres quand l'éco-guide leva brusquement le bras. Nous stoppâmes aussitôt.
Il se retourna lentement pour nous regarder et :
"Vous sentez ? demanda-t'il avec un air de conspirateur."
Il huma l'air avec insistance. Pris entre la peur d'un danger et la magie d'être sur une piste, nous reniflâmes immédiatement toutes les senteurs. Mais la seule qui s'imposa rappelait l'humus humide sur lequel nous traînions.
"Vous sentez ? répéta-t'il une fois encore en s'adressant à nous tous."
Nous nous interrogeâmes à voix basse. Que fallait-il donc sentir ? Puis l'éco-guide chuchota : "...Ça sent le gorille !"
Parc du Loango, un éléphant d'Afrique observe discrètement
Soudain, chacun chercha l'animal des yeux à travers la haute végétation. Des têtes se levèrent. Ça monte aux arbres les gorilles ? Puis elles s'agitèrent. Il n'y a rien là-bas... Nous étions inquiets d'être tombé dans un piège du singe sans n'avoir rien repéré. Puis le guide reprit sur un ton cassant :
"Il est parti ! Il nous a entendu venir. Vous devez apprendre à marcher sans bruit !"
Surpris et déçus, nous nous consultâmes du regard pour apprendre si l'un d'entre nous l'avait vu. Puis nous repartîmes penauds en posant nos pieds avec mille précautions sur ce sol brun de feuilles et de brindilles.

La randonnée se poursuivit entre la boue et les racines sans la moindre trace d'animal. Pour seul réconfort, quelques oiseaux lancèrent leur chant au loin, très haut du sol.