Mettons-nous en situation. Aujourd'hui, j'attends comme de coutume une entreprise pour la réparation de mon volet roulant en plastique. Pour une raison que la morale réprouve (ainsi que mon n+2... devenu cette semaine mon n+3 ! Les informations hiérarchiques publiées sur ma toute récente fiche de poste m'ont automatiquement rabaissé d'un étage pyramidal !), il est sorti des rails de guidages qui encadrent ma baie vitrée. Pour conclure mon introduction, sachez qu'une première entreprise a répondu présente, mis une journée pour me remettre trois lattes d'aplomb à sept personnes, et, 15h30 sonnante, est partie les escabeaux sous le bras en me laissant béant le coffre protégeant le tambour !
Depuis deux semaines, j'attends, naïfs, que les gus se décident à revenir me clouer deux planches qui se prélassent tranquillement au soleil, adossées contre mon mur ! Dans ces occasions, il faut être cool ! C'est finalement une autre société qui vient de me délivrer du supplice... allez comprendre !
Ces soucis écartés, il y a bien une chose que j'adore ici : la facilité de discuter ! Surtout dans les taxis...
Le taximan qui me détaille ses frais. Maugréant contre le coût annuel de la licence (environ un million) et évaluant son salaire mensuel à 80 000. "C'est pour ça qu'on conduit le dimanche ! Si c'est une bonne journée, j'ai 15 000. L'essence, c'est 5 000. Et puis après ya les taxes... Il reste pas grand chose, hé ! 3 ou 4 000." Ce qui nous fait 6 euros par jour ! "Ah, c'est là que je descends. Juste au tournant. Voilà 500, allez bonne soirée !"
Un autre taxi, plus tard dans la nuit. Sa passagère à la place du mort vient de "prendre la route". Moi à l'arrière. Le chauffeur :
"Hé, les jeunes comme ça faut leur apprendre à travailler ! Regarde, elle me dit que je sais pas où la déposer... je connais pas la route ! Oh seigneur, mais c'est elle qui conduit ou c'est moi ! C'est elle qui veut conduire, là, assise à côté de moi ! Ah non, la jeunesse comme ça, ça ne va pas hé !"
"Hé, les jeunes comme ça faut leur apprendre à travailler ! Regarde, elle me dit que je sais pas où la déposer... je connais pas la route ! Oh seigneur, mais c'est elle qui conduit ou c'est moi ! C'est elle qui veut conduire, là, assise à côté de moi ! Ah non, la jeunesse comme ça, ça ne va pas hé !"
Et ça marche partout ! Il suffit juste de sortir un truc banal :
"Et bah dis donc, vous allez toutes les boire ces cannettes, lancé-je ?
- Ca ? ha non, c'est pour l'organisation du Cross, ce week-end.
- Et c'est qui qui vous distribue toutes ces caisses ? Je serais intéressé par une commande en gros.
- C'est un sponsor !
- Vous avez les contacts ?
- Là, c'est Red Bull qui veut avoir son image sur le circuit.
- Vous êtes sûr que c'est bon pour les coureurs ça ?
- Ah non... mais on donne à l'arrivée !
- C'est plus sûr. Si c'était au départ, les coureurs vont tous tomber après trois kilomètre.
- Pfff oui, surtout les gens qu'ont pas l'habitude. Yen a plein, hé ! Pas les juniors, parce que eux ils courent hein !
- Ah oui, c'est plutôt leur père qui n'arrive plus à galoper derrière !
- Hé hé, ha non ! Alors on leur donne ça, et là mon ami, ils décollent !
- Ouai, mais pas comme l'année dernière ! Si les gens s'écroulent pendant le tour, c'est pas propre !
- Hé, pourquoi ils s'écroulent ! Il manque le mental ! Voilà pourquoi. Moi quand je coure, j'ai mal aux jambes, mais je me dis "faut que je tienne". Demain, yen a qui vont se dire juste après le départ "Mais qu'est-ce que je fiche là !"
- Oui je connais... après, ils regardent les autres et ils se disent "Ben s'ils continuent, je continue... mais pas longtemps alors !"
- Ouai voilà. Après tu les vois à l'arrivée. Ils suent, ils sont fatigués, ils voient plus clairs là ! C'est les femmes qui vont pas être contentes !
- Ca va être un vrai spectacle demain matin ! Bon je te laisse, j'ai à faire !"
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