dimanche 12 septembre 2010

Les réservations

Carrefour du pays, Libreville n'était qu'un point de passage obligé pour nous aventurer dans les parcs nationaux plus à l'Est. Arrivés en soirée, nous n'y passerions qu'une nuit avant d'approcher la Nature le lendemain, par le train de 9h45.

Je louai une chambre dans un hôtel sans prétention mais que j'avais déjà fréquenté. La prudence m'a appris à apprécier les lieux connus et sans surprise. La voix nonchalante au combiné me jeta que l'hôtel n'acceptait plus les réservations ; le client se désistait et l'hôtel retrouvait sa chambre inoccupée. "Mais si vous payez là, je peux vous inscrire". Le téléphone dans la main, je songeai à régler par Internet. Aussitôt une nouvelle pensée émergea : les services de paiement en ligne sont inconnus du Gabon. D'une part Internet n'a pas atteint sa phase de démocratisation, d'autre part l'écrasante majorité des échanges commerciaux s'effectue en espèces. En fait, la seule utilisation possible d'une carte bleue est le retrait de liquide aux coins des banques.
Je pensai bien à un envoi postal, mais la prestation n'était pas sûre et j'aurais risqué soit de perdre mon argent, soit d'arriver avant lui.
Amusé par l'absurdité de la situation, je plaidai mon cas auprès de mon interlocutrice :
"Si je vous dis que je vous appelle de Port-Gentil, que je réserve une chambre sur Libreville, et donc que je ne peux pas vous régler d'avance. Comment qu'on fait ?"
Sa réponse me sonna un instant ! En lieu et place d'une excuse qui aurait pu souligner toute l'attention de l'hôtel vis-a-vis de sa clientèle chérie, le couperet tomba.
"Vous pouvez pas !
- Mais si je ne peux pas vous payer à distance, c'est bien parce que je ne suis pas de Libreville. Sinon je n'aurais pas besoin d'un hôtel, lançai-je sans être certain que l'argument fasse mouche. Tous vos clients doivent avoir le même problème ! Comment ils se débrouillent ?
- On les connait. Ce sont des habitués."
Je m'appliquai alors à faire valoir ma fidélité. Après tout, j'étais déjà venu. La fille fit semblant de se souvenir de mon nom, et moi de la croire. Et la conversation se termina sur une nouvelle étrangeté :
"Je vous ai mis. Mais là, c'est trop tôt. Il faut que vous rappeliez deux jours avant. Comme ça on saura le planning.
- Vous êtes certaine que j'ai une chambre ? Je n'aimerais pas que vous m'annonciez, à mon arrivée, que l'hôtel est complet !
- Oui ! Vous êtes marqué."
A la bonne heure ! Sous la condition d'un ultime coup de fil, la première nuitée était acquise. Le lendemain nous serions déjà loin...

Je réservai également un hébergement pour les trois jours suivant. Les hôtels contactés me réclamaient tous une confirmation dans les quarante-huit heures précédant notre arrivée. Avec cette marge, je pris alors le pari de nous débrouiller au gré de notre voyage pour dénicher nos futurs logements. Et par la même, je fis fis des appels sans réponse et des gérants hors de leur lieu de travail. "Pouvez-vous me rappeler, disons, vers 17h30 ? Parce que je ne suis pas sur place !"

Vint alors une angoisse. Si le train s'avérait complet, nous ne pourrions pas quitter la capitale avant deux jours. Et ce serait autant de temps perdu sans découvrir la faune équatoriale ! L'achat semblait compliqué. Il fallait non seulement régler les billets à l'avance, comme la chambre de Libreville, mais également être sur place pour leur retrait. Je ne souhaitais pas prendre un risque en repoussant le problème à quelques heures du départ ferroviaire. L'imprévu pouvait s'inviter et nous voler le temps nécessaire au guichet.
Je partis à la recherche d'un collègue en itinérance prochaine sur Libreville. Christian accepta volontiers. Il s'envolait sur la capitale pour son travail. Je lui confiai l'argent et attendis son retour prévu au mercredi, deux jours avant mon départ. D'ici là, je prévis une autre grande préoccupation.

Mon déménagement prit moins de temps que je ne l'avais anticipé. La chose fastidieuse résida dans les formalités administratives. Aller chercher un papier au loin, pour revenir. Et puis non, ce n'est pas le bon. Ou bien il en manque un. Ou encore, celui-là est inutile !

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