samedi 13 mars 2010

La vie économique

Port Gentil présente deux économies. Celle du centre ville, la riche, appartient au gabonais aisé et à l'expatrié européen. Avec l'importation des normes et des matériaux, tout y est similaire à la France. Les voitures viennent de l'autre continent. Les lampadaires, les panneaux de circulation, les boites de conserves, les climatiseurs, les cuisinières, le lait sont estampillés aux couleurs des célèbres marques françaises. Tout comme dans la capitale romantique, des supermarchés ont fleuri pour répondre à la demande de cette catégorie de clients habitués à la consommation de masse. Ici avec l'ensemble des ingrédients à l'import, je suis à même de réaliser la spécialité Da Rocha : à savoir les pâtes estudiantines Barilla aux lardons Herta, aux oignons frais et à la noix de beurre Elle&Vire (cassez un oeuf sur le mont pasta avant de servir dans des ustensiles IKEA). Je peux me laisser tenter par du thon Saupiquet, de la farine Francine, des pâtes Barilla, de la moutarde Maille, du camembert Président, du riz Uncle Ben's, de l'huile d'olives Ducros, du vieux rhum Dillon... Tout cela bien entreposé dans les allées renouvelées et continuellement nettoyées par une armée d'employés pour contrecarrer la montée du chômage.
L'autre mode de vie est incarné par le Grand Village où se tiennent d'immenses marchés. On trouve de tout. Un ennui de plomberie, une vieille installation électrique à réparer ? Les articles qui ne sont pas en rayons se dénichent forcément au Marché de la Balise. Les commerçants y ont des planches qui font offices de stands, certains possèdent un local aux allures de studio pour l'entreposage et la présentation de leurs produits. C'est un peu le bordel, mais ça respire la vie grouillante aux sons chaleureux des échanges amicaux. L'achat n'est parfois qu'un prétexte pour passer le bonjour à l'ébéniste.
Cette confrontation des cultures est partout remarquable. Pour diner, j'ai le choix entre un menu français entouré d'une décoration soignée qui se veut cassure avec l'atmosphère empoussiérée extérieure, et un poisson braisé dans un coin de jardin ensablé où se dévisage quatre tables face à la petite habitation des cuisiniers improvisés. Les bars du centre ville sont climatisés et proposent la diffusion du rugby français par chaîne câblée. Les terrasses du quartier sont écrasantes de chaleur malgré le réconfort d'une bière à la fraicheur incertaine du frigo débranché. Les 4x4 appartiennent aux personnels des entreprises pétrolières, tandis que le gros de la population, dénué de permis de conduire, ne se déplace qu'en taxis. Impossible pour la majorité de découvrir les abords de la ville. Et quand bien même... pour quoi y faire ?
La situation est similaire à regarder le niveau d'études. Pour former aux postes de gestion d'entreprises, Port Gentil ne dispose que d'une Ecole Nationale de Commerce délivrant le BTS. La ville prévoit de terminer la construction du campus d'une prochaine université dans quelques années. D'ici là, les seules possibilités d'études supérieures offertes aux port gentillais sont la formation française à distance ou bien le suivi d'études dans un pays étranger.
Et tout ce petit monde essaie de cohabiter tant bien que mal. L'État mandate des entreprises pétrolières pour l'exploitation des licences onshore et offshore. Celles-ci sous-traitent des services de maintenance, de gardiennage, d'outils informatiques à des filiales locales d'importants groupes internationaux. La majorité des entreprises de la place tire son revenu indirectement des activités de l'huile. Les employés rapportent l'argent à la famille. Et tout le monde est content... sauf à parler récemment de réduction des coûts !

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